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je vous ai croisé - Page 7

  • Utopie d'une société de l'éducation et du vivre ensemble (2)

    Comme promis, voici la suite de ce que j’ai retenu de ma soirée à la conférence organisée par l'Université Populaire de l'Eau et du Développement Durable, le 30 octobre dernier, et animée par Albert Jacquard, éminent biologiste et humaniste. L'édito présentait ainsi la soirée " Dans une veine différente mais avec la même préoccupation humaniste, Albert Jacquard présentera l'utopie d'une société de l'éducation et du vivre ensemble."

    Cette réflexion fait tout naturellement écho à un commentaire que j’ai posté sur un blog ami, en réponse à un papa qui s’interroge sur sa relation avec ses enfants.  Je partage totalement les idées de M. Jacquard, sauf que pour moi, une telle éducation ne peut se faire dans la société française.  

    Sur l’idée de sélection naturelle

    « Il faut lutter contre une idée du XIXème extrêmement pernicieuse et à la base de beaucoup de nos réflexes, que la sélection naturelle est là pour éliminer le raté et garder le meilleur, c'est faux. L'évolution nous montre que les grands bonds en avant ont été la victoire des ratés. C’est comme ça qu’un poisson est sorti de l’eau, qu’un primate est tombé des branches. »

    Il prend l’exemple des hommes des cavernes. Les plus musclés partaient à la chasse tandis que les freluquets restaient avec femmes et enfants et dessinaient des sangliers sur les murs des grottes. Et d’après vous, demande-t-il, pendant que les hommes chassaient, qui faisaient les enfants ?

    Sur l’éducation

    M. Jacquard a répondu à une question que je m’étais posé à la lecture d’un billet sur Equilibre Précaire : « Est-il souhaitable de préparer les enfants à la précarité ? »

    Je pense que non. M. Jacquard non plus et ses arguments sont bien plus concis que les miens. Pourquoi ? Parce que le monde d’aujourd’hui, si perfectible, ne sera pas le leur. Plutôt que de leur apprendre la résignation, il faut leur apprendre à changer ce monde injuste.

    «Pour éviter la révolution, faîtes-la ».

    « Il faut construire une société où il n'y ait ni perdant ni gagnant, une société de l'échange. Je crois que ce changement-là ne peut être fait qu'à l'école, une école non pas de la réussite au sens de la carrière mais au sens de l'homme.

    « II est temps de mettre la société au service de l'école et non l'école au service de la société ». Cela résout bien ce qu'il faut faire, avoir sur les enfants un regard qui leur permette de se construire, sentir qu'à chaque fois qu'on les méprise, on les détruit et par conséquent chaque fois qu'on les enferme dans une vision de réussite ou de non réussite. Ce que je voudrais faire également, c'est supprimer la date de naissance sur tous les papiers scolaires, un éducateur ne doit pas connaître l'âge mais l'état intellectuel et s'y adapter. Je prendrais aussi une mesure qui ne serait pas apprécié des syndicats des enseignants, je ferais mettre en congé sans solde pendant trois mois tous les professeurs qui auraient employé les mots "don", "surdoué", "pas doué", en Conseil de classe.

    Et vous, parent ou pas, que pensez-vous de ces propos ? Quelle est votre expérience personnelle ?

  • Hommes, je vous aime

    Cette semaine commencée dans le trouble se termine dans la joie. Un peu à l’image de la carte « Joie-Tristesse », que j’ai tirée lundi dernier en arrivant à une soirée sur le développement personnel, et qui représentait une nuée de papillons multicolores qui quittent le gris et les pierres pour s’élever vers la lumière.

    Cette soirée abordait les archétypes qui concernent chacun de nous et dans lesquels, à moins d’en prendre conscience, nous sommes empêtrés.

    Vous savez, ces petites phrases avec lesquelles on grandit : « tu es ceci ou cela », celles qu’on se répète à soi-même « je suis trop ceci ou trop cela » ou qu’on s’invente, « les autres sont toujours ceci ou cela ». Ces phrases qui, à force de se dérouler dans notre tête, deviennent des vérités mais surtout des prisons.

    J’ai construit ma personnalité en opposition à ces phrases avec lesquelles j'ai grandi et je me suis appliqué à devenir, sur de nombreux points, l’exacte opposé de l’image qu'on m'a donné de moi-même. Je me revois, les dents serrées, la rage dans la tête : « Non je suis pas comme ça ». Ceci pourrait faire l’objet d’un billet à lui seul et ce n’est pas le moment ; j’y reviendrai.

    Au cours de cette soirée, je regardai ma carte sans comprendre pourquoi j’avais choisi celle-là et surtout ce qu’elle signifiait. La jeune femme qui me l’avait présentée m’avait dit rapidement que dans une relation, je cherchais avant tout la joie, mais il me semble que c’est le cas de tout le monde, donc je restai sur ma faim. Pendant ce temps, l’intervenant abordait des schémas qui me parlaient beaucoup plus que ma jolie carte colorée : la reconnaissance, l’abandon, la liberté.

    A la fin de la soirée, je m’approche d’une table sur laquelle sont vendus des livres. Une femme m’encourage à poser des questions. Je me lance et lui montre ma carte en demandant « Pourquoi celle-là ? ».

    Elle demande ce qui me parle le plus : joie ou tristesse ? La joie, bien sûr !

    A ce moment, elle me dit qu’en plongeant son regard dans mes yeux, elle voit des papillons, comme ceux de la carte, que mes yeux pétillent et que je suis pleine de vie. Et même que cette intensité lui donne la chair de poule.

    Au lieu de me faire plaisir, ce compliment me plombe de tristesse. On me parle beaucoup, trop à mon goût, de mes yeux en ce moment. Mon expressivité dérange parfois, on m’a même dit qu’elle faisait peur. Elle me dérange aussi parce qu’elle trahit des sentiments que je voudrais cacher. Pas l’amour ou le désir parce que ça ne me dérange aucunement de les exprimer comme ça, mais la colère, la tristesse ou la haine.

    La joie, oui, j’ai bien compris, je suis quelqu’un de joyeux, mais la tristesse ? Pourquoi ? Elle me répond « Vous connaissez l’histoire du clown triste ? » Là, mon sourire se fige. Touché.

    C’est drôle comme certains mots reviennent régulièrement. Je repense aux conversations récentes que j’ai eues avec des hommes qui me sont chers.

    MP m'a serrée dans ses bras, une étreinte forte, comme une étreinte d'hommes, et m'a donné un conseil. Pas celui que j’attendais, mais le même que ces mêmes amis m’ont glissé à demi-mot et que j’ai refusé d’écouter. Elle m'a invitée à libérer la part de moi-même que je n'ai jamais acceptée, au point de la laisser pétiner. Dans le métro, au retour, j’ai une boule dans la gorge mais je sens que quelque chose s'est débloqué. Peut-être que j'avais besoin que ce conseil vienne d'une femme qui ne sait rien de mon histoire ?

    Je la sens mal  commencée, cette semaine, mais elle se déroule, sereine, peuplée d’hommes pleins de tendresse et de sollicitude. Aucun qui soit mon amant et pourtant tous bienveillants et attentionnés, comme s’ils sentaient que j’ai besoin de cette chaleur et de leur amitié. Prête pour une montée en puissance de moi-même.

    Mardi, je rentre frigorifiée et un rendez-vous annulé me donne l’occasion de profiter du délicieux pot-au-feu que mon frère a préparé et qu’il me sert, devant la télé.

    Mercredi, je pédale jusqu’à la Comète où le vieux Jacques m’offre une rose et une orchidée. Puis je rejoins Paris Carnet et là, c’est Giao, le moral pourtant en berne, qui m’offre une rose. Quel gentleman celui-là ! En rentrant à la maison ce soir-là, je découvre un paquet à mon intention. Un mot griffonné pour « l’amoureuse de l’eau et adepte des doigts de pied en éventail » et un beau livre sur le rêve et l’eau. En le feuilletant avant de dormir, je m’interroge sur toutes ces marques d’affection que je reçois.

    J’ai souvent eu du mal à accepter des gestes d’amour, bien plus que d’en donner. Mais là, je savoure ce qu’on me donne, je le prends parce que j’en ai un énorme besoin, en ce moment.

    Si j’essayais d’être à l’écoute de moi-même et de baisser la garde, juste un peu, pour laisser l’autre rentrer dans mon périmètre ?

  • Bus 38

    Ce soir, j'ai quitté le travail en compagnie d'une de mes hôtesses. Agée d'une cinquantaine d'années, celle-ci vient de vivre des moments difficiles. Seule, sans enfants, c'est une femme aigrie, difficile. L'année dernièer elle m'a fait un coup de trafalgar et depuis un an je m'en tiens à des relations strictement pro avec elle : bonjour, au revoir.

    En juillet, elle m'a appelée un matin, en larmes, pour m'annoncer que son neveu de 30 ans venait de se tuer en voiture, sur une route de Corse.

    Depuis son retour, je me suis fait discrète, ne posant pas de questions, la laissant venir à moi à son rythme. Je la connais un peu après 5 ans. Cette semaine, elle m'a confié qu'elle était bouleversée, n'arrivait pas à dormir et qu'elle se sentait seule. Je lui ai proposé de nous retrouver dans la semaine pour passer la soirée ensemble.

    Ce soir, donc, je l'ai emmenée boire un mojito dans le Marais, un de mes quartiers préférés. Nous nous sommes laissées tomber dans les fauteuils en cuir fauve de l'Amnésia. Elle m'a raconté son neveu, fils unique, qui avait annoncé à ses parents que sa copine était enceinte 2 jours avant de se tuer. Quad j'ai vu ses yeux se mouiller, j'ai doucement changé de sujet. Puis nous sommes allées dîner d'un magret de canard rôti aux figues et miel à la Tartine, 24 rue de Rivoli. Une brasserie sans prétention que j'avais découverte, cet hiver, au sortir d'un théâtre. J'avais été subjuguée par la chaleur et le professionalisme des serveurs. Le service y est toujours aussi courtois. Sur le carrelage, un éclair qui attrape mon regard : c'est Kiki, la souris de la maison, elle se balade entre les tables, visiblement peu perturbée par le bruit et les lumières. Marrant d'observer le regard surpris des autres convives.

    A la sortie du restaurant, nous levons les yeux vers l'Hôtel de Ville et la tour Saint Jacques défigurée. Le soir, j'aime rentrer en bus et admirer Paris qui scintille sous les feux de la nuit.

    Place du Châtelet, je me souviens du Pygmée, restaurant africain ou âgée d'à peine 20 ans, après des concerts de jazz live au Front Lounge, je venais à l'aube manger d'odorants mafés avec Simon, le barman. Ring that bell, Simon !

    J'enjambe le Pont au Change, à gauche Notre Dame, à droite la Conciergerie, sous lequel glisse un bateau-mouche qui promène sur son dos des grappes de touristes émerveillés. Nous remontons le boulevard Saint-Michel, quartier favori d'Esperanza, jusqu'au Luxembourg, puis arrivons à Port Royal, enlaidi par la cité du CROUS. J'aperçois la Closerie des Lilas, bar restaurant mythique qui vit Zola, Cézanne, Verlaine puis André Breton et Hemingway. A droite, on file vers Montparnasse. Nous roulons maintenant sur les pavés de la place Denfert Rochereau ou trône une réplique miniature du lion de Belfort et ou on trouve l'entrée des catacombes. La rue Daguerre, à droite, est quasi-déserte.

    18° sur Paris m'annonce l'affichage lumineux au-dessus du périph'. J'aurais juré qu'il faisait meilleur. Dans ma rue , une québecquoise m'arrête, elle est paumée et me demande quelles sont les rues alentour. Amusée, je me lance dans une énumération appliquée quand une personne fait irruption d'un immeuble voisin et lui crie "C't'é ci !". Ma blonde frisée me jette un "Z'êtes bin fine". Je suppose que c'est un compliment. Merci madame et bone soirée ... moi je vais bloguer.

  • Vieille femme algérienne

    Station Nation, 14h15, ligne 6, je saute dans le wagon juste avant que les portes ne se ferment.

    J'avise, quelques rangées plus loin, des places libres face à un couple d'une cinquantaine d'années. Lui, en veste et pantalon bleu indigo tient un caddie à carreaux d'ou émergent une botte de poireaux et des branches de coriandre parfumée. Elle, contre la fenêtre, les mains posées sur les cuisses, silencieuse et songeuse.

    Je m’assois face à elle en esquissant un sourire auquel elle ne répond pas. Ses yeux noirs me scrutent.

    Elle porte une robe jaune soleil sous un gilet en acrylique bleu ciel qui souligne sa poitrine alourdie par les maternités. Sur son plastron et au bas de sa robe, des croquets multicolores et des broderies bigarrées lui donnent un air endimanché. Un foulard à franges retient sa chevelure noire et un facétieux pompon rouge roule sur sa tempe au gré des secousses. Elle ressemble à un tableau de Delacroix et je ne peux pas détacher mes yeux d'elle. Je la trouve touchante.

    Le pompon rouge frangé lui donne un air espiègle en contradiction avec son visage fermé. J’imagine un parfum piquant, poivré. Ne voulant pas l'embarrasser, je regarde à travers la vitre et je surprends ses yeux noirs qui me fixent, sans aucune gêne. Nous passerons le trajet à nous observer avec curiosité.

     

    De temps à autre, le métro ressort à l'air libre et nous levons toutes deux les yeux vers le ciel bleu. Derrière moi, je sens des effluves de vanille et de crème solaire. Sur le quai, des africaines en boubou marchent d'un pas nonchalant. Deux touristes allemandes, enlacées, hèlent leurs amis.

    Paris, mosaïque de cultures ...

     

  • Jasmin, sextoys et Sierra Leone

    Ce soir, j'attrape le magazine féminin Jasmin avec en couv' "Sextoys, beaucoup de bruit pour rien". Je relève avec amusement la coïncidence. Je m'engouffre dans le métro sur la ligne 6 direction le 12ème arrondissement. Le métro est bondé, je dégote une place assise contre une fenêtre et me plonge dans mon mag.

    Soudain, quelques notes de guitare résonnent dans le wagon et une voix chaleureuse emplit l'espace. Un mélange de Kéziah Jones et de Ben Harper. Une chanson mélancolique, en anglais, qui parle de children in the sun et de white, black, yellow colors. Le bonhomme est anglophone, sans aucun doute. Surprise car les musiciens sont pour la plupart - malheureusement -interdits dans les rames, je me retourne et avise un noir au regard doux. Il chante merveilleusement bien, sa voix et sa musique me prennent aux tripes, je ne peux plus lire.

    Je croise le regard surpris des passagers, les gens se retournent et restent suspendus aux lèvres du musicien. Mon voisin de face me regarde, éberlué, d'un air de dire "waaaouhhhh, il assure !". Je profite du métro aérien pour rêvasser en regardant Paris et les pavés mouillés. Quand il passe dans l'allée, je décide que je ne peux pas me contenter de lui donner une pièce. Son obole est pleine, on lui donne même des billets.

    Je me lève, le suis à travers le wagon et l'aborde en anglais. Je lui demande s'il est anglophone, il acquiesce, puis il me donne son prénom que je ne comprends pas. Je lui dis qu'il a une voix magnifique et le remercie de ce bon moment, nous discutons quelques instants, il est de Sierra Leone et m'assure que je peux trouver ses chansons sur internet. Je suis presque triste que cette magie s'arrête.

    En sortant à l'air libre, je chantonne "Children in the sun" jusqu'à ce que Claire ouvre la porte. Un talent croisé dans la foule, promis à un bel avenir j'espère, comme Keziah Jones qui fut repéré dans ce même métro parisien.

    Dans l'anonymat et la grisaille des rues parisiennes, la magie opère toujours et je me réchauffe un instant au contact d'êtres humains inoubliables. Comme disait Mère Mi, la vie est là qui vous sourit...